Filer à l'anglaise extrait des contes à tire d'aile recueil 2 sur les expressions populaires

Publié le 26 Novembre 2017

Filer à l’anglaise

 

Charles était un vrai coureur de jupons. Il avait un besoin viscéral de séduire. Dès l’enfance, ses fossettes paraissaient irrésistibles à ces dames qui s’extasiaient sur lui tandis qu’il leur babillait quelque charmant compliment d’autant plus séduisant qu’il était incompréhensible. Charles se rendit compte que plus il était mystérieux plus il charmait. Adolescent, il étudia les rudiments du langage des sourds-muets mais il ne l’utilisait que pour raconter sa passion aux bien-entendantes. Il intriguait volontairement en affabulant légèrement sur son enfance.

Charles apitoyait les femmes maternelles en leur décrivant une enfance bohème et misérable, il se faisait protecteur auprès de celles qui  avaient besoin d’être rassurées en se présentant comme un homme sécurisant capable de les défendre car ayant pratiqué l’escrime à un niveau professionnel. En réalité, le jeune homme n’avait pris que trois leçons d’escrime puis avait abandonné, ne supportant pas d’être l’élève le plus médiocre du cours.

Dans la vie, à part séduire, Charles ne faisait rien de particulier. Il vendait à domicile tour à tour des aspirateurs, des cocottes-minutes, des tapis ou des balais brosse, cette profession itinérante lui permettant de rencontrer un maximum de femmes seules et disponibles, de les charmer rapidement puis de déguerpir quelques jours après dans une autre ville.

Bien que vivant en France, il cultivait au maximum le piquant de son accent anglais, trouvant qu’il ajoutait à son charme. Il débarquait souvent chez ses clientes en début d’après-midi, quand il les avait bien charmé et leur avaient vendu tout ce qu’il pouvait, il filait en prétextant :

-It’s tea time ! C’est l’heure du thé.

-C’est ce qui s’appelle « filer à l’anglaise » ironisa une jeune femme dépitée.

Mais cela marchait à chaque fois. Ce jusqu’au jour où Charles fit son coup à une marchande de thé qui lui sortit sa boisson anglaise favorite. Le Don Juan aux papilles séduites resta d’autant plus que de délicieux sandwichs au concombre accompagnaient son breuvage favori.

Le dragueur invétéré avait enfin trouvé sa tasse de thé, la femme qui, comme nulle autre, sut le faire vibrer. Il resta là avec Cynthia pour célébrer à tout jamais son tea time en faisant partager sa passion à tous leurs clients et il vendit plus que jamais car l’on partage mieux ce que l’on aime vraiment.

Rédigé par Sandrine et Igor

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